C’est l’un des problèmes insolubles du métier d’enseignant: demander le silence alors que celui-ci n’existe pas. John Cage l’a démontré en 1952 avec sa pièce 4’33” – 4 minutes et 33 secondes de silence qui n’existe pas.

Dans son ouvrage Un hamster à l’école (2021), Nathalie Quintane déclare que le seul moment où elle arrive à obtenir toute l’attention des élèves, c’est quand elle fait des dictées. J’ai pu assisté à une très belle dictée dessinée menée par mon praticien-formateur. Mais en dehors de ces rares moments, comment faire pour obtenir vraiment l’attention de toutes et tous? Avec une classe de 24 élèves déboulant dans une salle d’arts visuels en fin de journée, l’exercice paraît presque impossible. Il faut souvent crier pour faire taire les élèves. On sait d’avance qu’il va falloir répéter au moins trois fois les consignes, et on tourne dans la classe pour s’assurer que chacun ait bien compris ce qui était demandé. Comme disait mon prof de philosophie à l’école d’art: enseigner c’est répéter. Il va falloir se faire à cette idée. Et en même temps je suis parfois étonné de constater que celui ou celle qui n’avait l’air d’écouter que d’une oreille a finalement retenu l’essentiel.

J’ai été confronté à une classe particulièrement bruyante à laquelle j’ai proposé un exercice sur le silence. Alors qu’ils arrivaient en classe en orchestrant leur tintamarre habituel, je diffusais un extrait de concert bruitiste de John Cage à base d’objets ménagers. Les élèves étaient interloqués par ce bruit que je venais leur opposer/proposer. Puis une fois tout le monde installé et après avoir essayé d’instaurer le silence requis pour pouvoir commencer le cours, je leur ai raconté l’histoire de John Cage, qui dans sa quête du silence se rend dans une chambre insonorisée, et qui est trahi par l’activité de son propre corps. Il en déduit que le silence n’existe pas, et le démontre avec sa pièce 4’33”. Je propose aux élèves de faire à notre tour l’expérience du silence qui n’existe pas. Pendant une minute, nous allons écouter le silence. Chacun doit s’installer dans une position bien confortable, se taire et se contenter d’écouter. On peut fermer les yeux. A la fin de la minute de silence, chacun note sur une feuille les bruits qu’il a entendu pendant l’expérience. Au dos de la feuille, il faut représenter son expérience du silence qui n’existe pas en dessinant. Comment représenter les bruits et le silence en dessin? Faut-il tracer des ondes, dessiner des bulles, écrire des onomatopées? Puis je récupère toutes les feuilles, et analyse les résultats pour la prochaine fois. Au cours suivant, je leur présente mes conclusions. En une minute de silence en classe, 25 types de bruit ont été répertoriés. Sur les 25, seulement 4 provenaient de l’extérieur de la classe. Et sur les 4 bruits extérieurs, seulement 2 n’étaient pas liés à une activité humaine. On ne se rend pas compte à quel point on est bruyant. Le moindre mouvement produit un grincement, un froissement, un couinement.

 

 

Pour que l’information ne se transforme pas en bruit, j’essaie de travailler l’écoute avec mes élèves. Avec une autre classe, je mets en place un atelier de bruitage. Il faut sonoriser des courtes séquences filmées. On constate que le son est aussi important que l’image.

 

 

Pour plus d’histoires de bruit, c’est par ici:

A comme animal

L comme les loups et la lune

Y comme yaourt

 

 

Références:

Quintane, N. (2021). Un hamster à l’école. Paris: La Fabrique éditions.

 

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