J’ai de l’empathie pour mes élèves qui sont toute la journée assis, à devoir travailler selon un programme imposé, et doivent encore se farcir deux périodes d’arts visuels en fin de journée. Les élèves sont parfois cruels entre eux. L’empathie, ce n’est pas quelque chose d’évident : ça s’apprend, ça se travaille. Lors d’un remplacement, je propose aux élèves qu’ils réalisent un petit film collectivement en 45 minutes seulement. Objectifs : aborder la technique de la vidéo de manière créative et spontanée, tout en travaillant sur l’empathie, l’écoute et la collaboration. Je m’inspire pour cela d’un projet élaboré par Serge Tisseron, Benoît Labourdette et Sonia Winter intitulé pocket films – empathie. On peut découvrir sur la plateforme en ligne dédiée au projet quelques vidéos réalisées dans le cadre de ces ateliers, et les résultats sont déroutants. Contrairement à l’esthétique bien léchée des courts-métrages réalisés par des élèves pour le festival de l’ultracourt que l’on peut découvrir sur éduclasse, les pocket films – empathie sont tournés à la va-vite d’une main tremblotante, en plan séquence avec un téléphone portable. Toutefois cette esthétique bricolée n’empêche en rien la compréhension de l’histoire, et les sujets traités par les pocket films me semblent bien plus intéressants, parce qu’ils s’inscrivent beaucoup moins dans une forme de bienséance de la morale supposée de l’école. Les scénarios proviennent d’avantage de la réalité des élèves et de leurs propres expériences. Sans forcément sans rendre compte, en faisant parler les objets, les élèves parlent d’eux-mêmes. Et avec une surprenante écologie de moyens et des consignes simples, les élèves font preuve d’une grande créativité et d’une belle sensibilité.

 

 

Pour commencer, je demande aux élèves de choisir par petits groupes un objet de leur choix dans la salle d’arts visuels. Ils doivent ensuite se mettre à la place de l’objet et noter sur un post-it une émotion que pourrait ressentir l’objet. A partir de là, les élèves élaborent un court monologue qui témoigne de la condition particulière de l’objet. Si l’objet pouvait parler, il dirait quoi ? L’exercice n’est pas sans rappeler le Parti-pris des choses de Francis Ponge. Puis on place les objets les uns après les autres et la caméra passe de l’un à l’autre tandis que les élèves déclament leurs monologues. Le téléphone qui filme passe de main en main, ou un.e élève se charge de filmer sur toute la durée. Il faut souvent faire plusieurs prises avant d’arriver à un résultat satisfaisant. Au début les élèves hésitent, éclatent de rire. L’exercice n’est pas si évident. Le silence de toute la classe est nécessaire pendant le tournage. Il faut se coordonner, s’écouter, travailler ensemble pour y arriver. A la moindre erreur, il faut tout recommencer. On retient son souffle et on finit par y arriver. A la fin, les élèves sont pressés de découvrir le résultat. On se passe le film trois fois et on en discute. Qu’est-ce qu’on pourrait améliorer pour la prochaine fois ?

 

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