À la forme bien ordonnée et scolaire de l’abécédaire je préfère celle grouillante, fourmillante, tentaculaire du bestiaire. Avec les psautiers, les livres d’heures, les bibles moralisées et les traités de médecine, les bestiaires occupent une place privilégiée parmi les manuscrits du Moyen-Âge. Richement enluminés, ils dénotent d’un certain goût pour l’exotisme tout autant que d’une volonté scientifique. Des animaux réels y côtoient des créatures fantasmagoriques. Et si certaines incongruités témoignent d’un manque de connaissance évident, les bestiaires permettent de nous faire une idée de l’imaginaire collectif des gens de l’époque. En tournant les pages du bestiaire de Rochester, on verra tour à tour surgir une panthère multicolore, un monocéros semblable à une licorne, ou un crocodrille avec un corps de chien recouvert d’écailles de poisson. Je trouve ces enluminures cocasses et inspirantes.

 

 

Lors du cours précédent, une classe de neuvième avait dû dessiner des moutons. Je tente cette fois-ci d’ouvrir l’imaginaire. Je demande aux élèves de dessiner un mouton spécial en combinant l’animal avec d’autres éléments. Les élèves doivent ensuite trouver un mot-valise pour désigner leur créature, noter les spécificités de leur mouton et mettre en page leur création afin d’obtenir les pages d’un nouveau type de bestaire : un moutoniaire.

 

 

Avant les manuscrits du Moyen-Âge, on écrivait sur d’encombrants rouleaux de parchemins. Puis l’ingénieux format du codex s’est rapidement répandu, avec des cahiers reliés entre eux pour former un livre. Il est étonnant de constater à quel point l’objet-livre est resté le même depuis le Moyen-Âge. Dans le bestiaire de Rochester, des lettrines et un code couleur servent à marquer les début de chapitres ou de paragraphes, et des illustrations accompagnent le texte, tandis que l’ensemble s’inscrit dans un format-cadre prédéfini. L’invention de l’imprimerie a ensuite permis de diffuser les écrits à large échelle tout en réduisant les coûts de production, permettant ainsi une démocratisation des savoirs qui se poursuit aujourd’hui avec Internet et des projets participatifs comme Wikipédia.

 

_____